Correction Module 1 : Partie 2
1/ Le plus simple est ici d’étudier la différence :
La suite est donc bien strictement croissante.
Deux cas de figurent se présentent alors : la suite est soit strictement croissante et majorée, auquel cas elle converge vers une limite finie d’après le théorème de la limite monotone ; soit strictement croissante et non majorée, auquel cas elle diverge vers et admet donc une limite infinie.
2/ On commence par simplifier la différence :
Le but est maintenant de trouver une minoration permettant d’évaluer la somme restante. La plus évidente est de remarquer que toutes les valeurs prises par sont inférieures ou égales à
. Par décroissance de la fonction inverse sur
, on peut donc minorer chaque terme
de la somme par
. D’où :
Le principal avantage de la minoration ci-dessus est que la nouvelle expression dans la somme est fixée, car elle ne contient plus d’indice variable ( ), on peut donc facilement en expliciter la valeur :
D’où :
3/ Il existe plusieurs manières de procéder ici. Voici les trois principaux raisonnements que vous auriez pu utiliser :
A) Par opérations sur les limites :
Lorsque tend vers l’infini,
tend également vers l’infini. Ainsi la suite
tend vers la même limite que la suite
définie pour tout entier naturel non nul
.
Si admet une limite réelle finie
, alors cela implique que la différence
doit tendre vers zéro. En effet :
Ce qui n’est bien sûr pas le cas, on vient de démontrer que cette différence est toujours supérieure à !
On déduit donc par contraposée que la suite n’admet pas de limite finie : elle diverge vers
.
Pour votre culture mathématique, est appelée « suite extraite » de
. Plus généralement, on appellera suite extraite d’une suite
toute suite de la forme
, avec
une fonction de
dans
strictement croissante.
Vous démontrerez quelques propriétés sur les suites extraites en première année d’études supérieures, mais ces propriétés ne nous intéressent pas pour le moment.
B) Par l’absurde :
Supposons que la suite converge vers une limite réelle finie
. Alors tout intervalle ouvert contenant
contient tous les termes de la suite à partir d’un certain rang. En particulier, à partir d’un certain rang
, on a pour tout
:
De plus , on a donc également :
En additionnant les deux inégalités, on obtient :
Or nous avons montré précédemment que . La conclusion à laquelle on aboutit est donc absurde ; cela signifie que l’hypothèse de départ est fausse : la suite
n’admet pas de limite finie et diverge vers
.
C) En raisonnant directement :
Soit le plus grand entier naturel tel que
. Comme
est croissante, on a donc
. De plus, la relation
est vraie pour tout
. Donc :
On continue le procédé avec , puis avec
, … jusqu’à
:
En remontant au début de la chaîne d’inéquations, on obtient :
, avec
Lorsque tend vers
,
tend également vers
. Or :
Donc par comparaison :
Bien que cette troisième méthode puisse sembler la plus longue, il s’agit en réalité de la plus intuitive des trois : tout ce que nous avons fait est de remarquer que puisque qu’à chaque fois qu’on double l’indice de la somme, on ajoute au moins à la valeur de celle-ci, alors si
tend vers l’infini on pourra le doubler autant de fois que l’on souhaite et par conséquent ajouter
à la somme autant que l’on veut pour la faire tendre vers l’infini. On comprend intuitivement le mécanisme, mais cette explication telle quelle n’est pas assez rigoureuse pour être acceptée comme une preuve ; introduire l’entier
(qui est en fait le logarithme entier en base deux de
; nous y reviendrons plus en détail dans le module suivant) était une manière de formaliser ce raisonnement pour le rendre acceptable.
4/ Nous avons établi dans la première partie que l’avancée maximale atteignable en fonction du nombre de cartes utilisées était égal à
Et nous avons également vu que
D’où :
Il est donc théoriquement possible, en supposant que l’on dispose d’un nombre de cartes illimité et que l’on soit dans des conditions optimales (pas de vent, pas de secousses, etc…), de construire un pont de cartes en équilibre parcourant une avancée aussi grande que l’on veut. On pourrait ainsi théoriquement construire une structure de cartes en équilibre s’étendant de Paris à Londres, de Paris à New York voire même de la Terre au Soleil (pourquoi pas !).
En pratique cependant les choses ne sont pas si simples. Même en mettant de côté l’aspect conditions optimales, il reste que la divergence de la série harmonique vers est très lente. Ainsi pour parcourir ne serait-ce qu’une avancée d’un mètre en utilisant des cartes de format standard (poker, bataille, etc…) d’une longueur d’environ 9 cm et en réalisant des décalages optimaux, il vous faudrait empiler pas moins de 2 513 662 168 cartes ! (Non, je n’ai pas fait le calcul de tête.)
En considérant que l’épaisseur d’une carte soit d’un dixième de millimètre (c’est en réalité probablement plus), votre tour de cartes ayant une avancée dans le vide d’un mètre aurait une hauteur d’un peu plus de 250 km, soit 28 fois la taille du mont Everest.
Pour parcourir une avancée d’1.5 mètres avec ces mêmes cartes… Même mon ordinateur n’est plus assez puissant pour effectuer le calcul. C’est vous dire à quel point la croissance de la série harmonique est d’une lenteur démentielle !
Il est cependant possible d’approximer la valeur de la suite harmonique sans en faire le calcul formel, en utilisant les fonctions logarithmes. Elle présente en effet un comportement logarithmique et croît à la même vitesse que le logarithme népérien de : on dit que la série harmonique est équivalente à la fonction
.